COMPRENDRE LES CONFLITS DANS UNE EQUIPE ?
Encadrer ou diriger une équipe est une position délicate, nécessitant de considérer les spécificités de chacun et réussir à les faire coopérer de manière harmonieuse.
Il n’est cependant pas rare que des conflits parfois importants puissent apparaître.
En réalité, les membres d’une équipe et leur manager ne sont que rarement conscients des projections et des répétitions qui ont lieu dans une équipe.
Projections ? Qu’est-ce que c’est ? et quel impact ?
Chaque individu dans une équipe va chercher à trouver dans son équipe avec ses collègues/supérieurs des repères lui permettant de comprendre comment se comporter. Ces repères se construisent sur les expériences vécues précédemment.
Exemple :
Paul travaille sur des situations complexes mettant en jeu différents professionnels. Il a repéré que Thierry est arrivé deux fois en retard ce mois-ci.
Lors de ses expériences précédentes, Paul a dû travailler avec un collègue qui était souvent en retard, ce qui a amené de vraies difficultés professionnelles.
Aujourd’hui Paul ne “laissera rien passer” et chaque retard de Thierry, justifié ou non, ayant des conséquences ou non, sera un objet de conflit.
Dans cette situation Paul va projeter ses angoisses et sa propre expérience sur Thierry. Thierry ne peut pas comprendre. Il ne peut pas résoudre non plus le véritable problème de Paul, puisque ce dernier concerne quelqu’un d’autre et est déjà passé.
Thierry va donc se défendre, les deux hommes seront en conflits et le manager sera sommé de se positionner sur un conflit.
Il est fréquent de voir chez quelqu’un ce que nous avons déjà vécu auprès d’une autre personne.
Cependant, parfois cela peut être source de difficultés voire de conflits importants.
En général, le manager a du mal à comprendre ce type de conflit qu’il considère comme des exagérations ou des réactions disproportionnées.
Répétitions ? Qu’est-ce que c’est ? et quel retentissement ?
Le manager incarne une position hiérarchique différente du reste de l’équipe.
Cette position influence inconsciemment les membres de l’équipe. Ils vont avoir tendance à répéter les comportements et les craintes qu’ils ont pu avoir dans les relations hiérarchiquement asymétriques, comme avec des parents.
La vie d’une équipe peut ainsi être marquée par la répétition d’émotions anciennes : la jalousie, le rejet, la volonté d’être valorisé, protégé.
Le manager étant davantage concentré sur les aspects professionnels, il peut être surpris de ce type d’attente de la part de son équipe.
Exemple :
On peut comprendre beaucoup de situations qui se répètent face à celui qui détient l’autorité :
• Me complimente-il autant que les autres ? (Sensation de frustration ou certains seraient plus appréciés que d’autres, émotions de jalousie)
• Est-ce qu’il m’accorde le même traitement que les autres ou pas (absences, congés, ajustement, etc.) ?
• Est-ce qu’il me reconnaît comme une personne de valeur ? Est-il fier de mon travail, de moi ?
Que faire face à ces mouvements d’équipes ?
• Pour les projections, il s’agit de revenir aux éléments les plus factuels. Y a-t-il concrètement un problème ou est-ce une crainte projetée sur un collègue ? Il est plus facile de s’en tenir aux faits pour tenter de montrer qu’il n’y a pas forcément lieu de démarrer un conflit.
• Pour les répétitions, il est important de tenir une position la plus professionnelle possible et de mettre l’aspect professionnel au cœur de la relation. S’il est possible de reconnaître et de souligner les qualités d’un collaborateur, il est important d’établir clairement que le rôle du manager est limité à la vie professionnelle et qu’il n’est pas en capacité de résoudre les maux personnels.
COMMENT DISTINGUER CONFLIT ET HARCELEMENT ?
Le conflit peut être particulièrement inquiétant lorsque l’on craint qu’il puisse être synonyme de harcèlement. Par crainte d’une possible situation de harcèlement, les situations de conflits peuvent être évitées à tout prix, ce qui constitue rarement une position adaptée dans un environnement de travail. Le conflit permet un ajustement de la relation entre deux individus, ce qui peut parfois être incontournable voire salvateur. Par cette fonction d’adaptation, le conflit ne peut se confondre avec le harcèlement et vice versa.
La différence entre conflit et harcèlement
Le conflit porte sur un désaccord entre deux personnes sur une situation précise. Il y a un “problème” identifiable : une tâche non réalisée ou mal réalisée, une procédure considérée comme problématique, une mauvaise répartition du travail, un désaccord sur la manière d’envisager tel projet, stress par rapport à la quantité de travail… Le conflit permet d’exposer deux perspectives différentes face à ce problème pour tenter de le dépasser.
Le harcèlement lui ne se base pas sur une difficulté professionnelle identifiable ou sur des actes, il attaque la personne en tant que personne. Le harcèlement ne vise pas un ajustement relationnel, il est une décharge agressive d’un individu sur un autre.
Le harcèlement au travail s’inscrit dans la théorie du bouc émissaire de R. Girard : les individus d’un groupe déchargent leur violence vers une victime unique pour que tous les autres membres du groupe soient protégés de cette violence.
Le harcèlement peut donc prendre pour cible n’importe qui, même si les auteurs tentent généralement de trouver une victime vulnérable.
Reconnaître le harcèlement
Le harcèlement vise la dignité, la personnalité ou l’intégrité psychique ou moral d’un individu. Le harcèlement vise à nuire. Ce sont des actes, des paroles, des gestes ou des écrits qui sont répétés dans le temps.
Vous pouvez les repérez grâce aux points suivants :
1. Critiques répétées et incessantes à propos du travail ou de la personnalité, de la vie privée
2. Isolement du reste des collègues
3. Refus d’une communication franche et ouverte, rétention d’information
4. Volonté d’humiliation par les propos ou par le travail (prescription de tâches dénuées de sens ou dégradantes par exemple)
5. Volonté de nuire et de discréditer par des moqueries ou la diffusion de rumeurs, de fausses informations
6. Privation d’une possibilité de se défendre ou de s’exprimer
Comment réagir face au harcèlement ?
Il est très difficile de réagir face au harcèlement puisque l’objectif de l’harceleur est de priver la victime de toute solution, de toute aide. C’est bel et bien en cherchant à lutter contre l’isolement que l’on peut lutter contre le harcèlement. Essayez de :
1. Sollicitez des collègues, des managers, des N+2 dès que la situation commence à être complexe ou difficile.
2. N’hésitez à aller voir un professionnel de santé, notamment via la médecine du travail si la situation dans l’entreprise est pesante. Le harceleur peut créer du doute sur la légitimité des difficultés de sa victime, en parler à un professionnel extérieur peut être une aide.
3. Enfin, la victime finit souvent par se considérer réellement coupable et responsable des attaques qui lui sont faites. Pour tenter d’éviter cette situation, il peut être utile de toujours se baser sur des faits concrets : les objectifs sont-ils vraiment atteignables ? Où est-ce que, concrètement, dans les tâches que je réalise il y a un problème ? Est-ce que s’il y a une difficulté sur le travail les autres sont autant critiqués que moi ? Est-ce que, au regard de mon contrat de travail, il y a vraiment quelque chose à me reprocher ? L’objectif étant de bien identifier que, dans le harcèlement, la responsabilité n’est pas partagée et qu’il s’agit uniquement d’une agression unilatérale.
Bibliographie
• DESRUMAUX P. (2011). Le harcèlement moral au travail : réponses psychosociales, organisationnelles et cliniques, Presses Universitaires de Rennes.
• HIRIGOYEN M.F. (2001). Malaise dans le travail. Harcèlement moral : démêler le vrai du faux, Paris, La Découverte.
• LEYMANN H. (1996). Mobbing. La persécution au travail, Le Seuil.
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